
Le Dépeupleur
par Alain Françon
Retrouvez Le Dépeupleur au Théâtre de la Ville / Espace Cardin du 04 au 09 avril 2017
Présentation
La passion de chercher est telle, qu’elle oblige à chercher partout
Ce que fait Merlin est proprement indescriptible tant son art du verbe et son art du geste sont hauts. Non pas un acteur au faîte de son art, mais un être-acteur habité, halluciné de présence et tutoyant les gouffres. Merlin ne sert pas le texte de Beckett. Il en extirpe les moindres inflexions, en exaspère la complexion, ouvre ses vannes. Les gestes du bras, de la main, du poing, le tracé du regard ne prolongent pas les mots, ils en sont tout à la fois le contrepoint et la ponctuation, le creuset et le tombeau.
Jean-Pierre Thibaudat
Informations sur le lieu
La presse en parle
Le jeu du comédien, Serge Merlin, nous donne des frissons. Il est incroyable, comme un pouvoir hypnotisant, totalement habité par ce texte. / France Inter - Carrefour de la Culture, Stéphane Capron
Le metteur en scène, Alain Françon, a déjà dirigé Serge Merlin et ils offrent tous les deux une quintessence du théâtre de l’absurde. Serge Merlin, acteur remarquable, nous tient par le verbe et le geste. / France Inter - Nadja Viet
Distribution
Production Les Déchargeurs / Le Pôle diffusion
En partenariat avec Le Monde. Le spectacle bénéficie du soutien exceptionnel du ministère de la Culture et de la Communication
Multimédia
Notes & extraits
Avec Serge Merlin nous avons décidé, aidés par Jacques Gabel pour le décor et le costume et de Joël Hourbeigt pour la lumière, de revisiter le texte de Beckett Le Dépeupleur. Serge en avait fait une première version, mais il y a bien longtemps, et moi-même un spectacle quand j’étais directeur du théâtre national de la Colline. C’est avec joie que je retrouve Serge. Nous avons ensemble monté Fin de partie et La Dernière bande de Beckett,! et une adaptation d’Extinction de Thomas Bernhard. Sa grande maîtrise de la langue et son art de la prosodie me sont une aide précieuse pour comprendre « l’oeuvre » dans son essence et chercher l’horizon de sens à donner à notre travail.
C’est donc particulièrement jubilatoire de l’écouter et d’être son premier spectateur. Pour ce qui est de « notre scène », je considère Serge comme le plus rare des acteurs capable de transmettre les secrets de notre langue. Il est utile que de jeunes générations de spectateurs et d’acteurs l’entendent !
Alain Françon
Séjour où des corps vont cherchant chacun son dépeupleur. Assez vaste pour permettre de chercher en vain. Assez restreint pour que toute fuite soit vaine. C’est l’intérieur d’un cylindre surbaissé ayant cinquante mètres de pourtour et seize de haut pour l’harmonie. Lumière. Sa faiblesse. Son jaune. Son omniprésence comme si les quelque quatrevingt mille centimètres carrés de surface totale émettaient chacun sa lueur. Le halètement qui l’agite. Il s’arrête de loin en loin comme un souffle sur sa fin. Tous se figent alors. Leur séjour va peut-être finir. Au bout de quelques secondes tout reprend. Conséquences de cette lumière pour l’oeil qui cherche. Conséquences pour l’oeil qui ne cherchant plus fixe le sol ou se lève vers le lointain plafond où il ne peut y avoir personne. Température. Une respiration plus lente la fait osciller entre chaud et froid. Elle passe de l’un à l’autre extrême en quatre secondes environ. Elle a des moments de calme plus ou moins chaud ou froid. Ils coïncident avec ceux où la lumière se calme. Tous se figent alors. Tout va peut-être finir. Au bout de quelques secondes tout reprend. Conséquences pour les peaux de ce climat. Elles se parcheminent. Les corps se frôlent avec un bruit de feuilles sèches. Les muqueuses elles-mêmes s’en ressentent. Un baiser rend un son indescriptible. Ceux qui se mêlent encore de copuler n’y arrivent pas. Mais ils ne veulent pas l’admettre.
Samuel Beckett
Le Dépeupleur (début), Paris, éditions de Minuit, 1970