Pédagogies de l’échec

Pierre Notte

L'imminence de la catastrophe

Présentation

Pédagogies de l’échec de Pierre Notte
Date(s) : du 28 aoû 2015 au 25 oct 2015
Jeudi
Vendredi
Samedi
Dimanche
à 19h30 - dim. 15h
Durée : 1h30

Au septième étage, dans des bureaux dont il ne reste rien, ni cloisons ni fenêtres, deux individus se plient aux lois de la hiérarchie. Tout autour d’eux est tombé, un tremblement de terre, une catastrophe ou un conflit mondial, peu importe. Un monde en ruines et dépeuplé. Mais ils sont là, ils poursuivent, ils continuent le travail, tentent de produire du travail dans le vide et entourés de trous. Ils se soumettent aux rôles professionnels, le pouvoir et l’immunité de la supérieure, et la servilité et l’irresponsabilité du subalterne. Avec mauvaise foi, rancœurs, jeux d’humiliations, mises à l’épreuve, jalousies, désirs, aspirations. En bas, on monte des échafaudages, dont le coût de la location a précipité dans la faillite la boîte qui les a loués pour une reconstruction hypothétique. C’est dans cette boîte précisément que travaillent les deux individus, mais à présent désœuvrés, sans objectif, ni projet, si ce n’est celui de continuer toujours à travailler ».
Pédagogies de l’échec, c’est une comédie féroce de la vanité de l’action et des rôles imposés, de la théâtralité des catégories socioprofessionnelles, qui veulent tenir le coup, encore et malgré tout, dans un univers aveugle quant à sa propre érosion, sa pathétique dégringolade.

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Informations sur le lieu

Vingtième Théâtre
7 Rue des Plâtrières
75020 Paris

La presse en parle

Majestueusement amenée par la drôlerie décalée d'Olivia Côte / CharlieHebdo

Une mise en scène renversante au propre comme au figuré / Reg'arts

La performance d'Olivia Côte et Salim Kechiouche est remarquable de souplesse et de maîtrise / HUFFINGTON POST

Distribution

Texte :
Mise en scène :
Assistant mise en scène :
Crédit Photo Visuel :

Production le Théâtre des Halles en accord avec Les Déchargeurs / Le Pôle Diffusion

Production déléguée Le Pôle buro / Ludovic Michel

Le Théâtre des Halles est soutenu par le ministère de la Culture et de la Communication (DRAC PACA), du Conseil régional PACA, du Conseil Général de Vaucluse, de la Ville d’Avignon.

Multimédia

 
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Dossier de diffusion
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Dossier de presse
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Découvrez le journal de bord de la création de Pédagogies de l’échec de Pierre Notte, mise en scène et scénographie d’Alain Timar avec Olivia Côte et Salim Kechiouche. Suivez au plus près les étapes successives de la création : croquis, photos, vidéos… Pédagogies de l’échec : journal de bord

Notes & extraits

Mot de l'auteur

Pierre Notte a conçu Pédagogies de l’échec comme une observation drôle, radicale et désespérée des rapports de force qui s’exercent dans le monde du travail.

L’avant-scène théâtre : À quoi répond alors chez vous « Pédagogies de l’échec » ?
Pierre Notte : Elle répond à une interrogation quant à l’inscription parfois jusqu’à l’extrême du travail dans nos emplois du temps et dans nos existences. J’ai éprouvé ce sentiment violemment quand je suis entré comme pigiste à la rédaction de L’Événement du jeudi, avant de devenir rédacteur en chef du magazine Théâtres. Je l’ai éprouvé encore plus violemment quand j’ai été secrétaire général de la Comédie-Française, où la question du rapport hiérarchique et de domination s’est posée de manière plus accrue : je travaillais sous les ordres d’une direction et je dirigeais d’un autre coté une équipe importante. J’étais pris en étau dans une relation parfois passionnante, parfois douloureuse. Je l’éprouve ici, au Théâtre du Rond-Point, d’une toute autre manière car, en tant qu’auteur associé, j’ai le sentiment de me situer en dehors d’un organigramme. Je suis très libre, mais justement, d’où je suis, je peux aussi observer les rapports qui s’instaurent entre les individus.

AST : Pourquoi laissez-vous le lecteur et le metteur en scène choisir le sexe des personnages ?
P. N. : Ces personnages n’ont pas de sexe jusqu’au moment où ils vont tenter la relation sexuelle. Pour échouer encore… S’il y a un propos dans cette pièce, il ne réside jamais dans la psychologie ni dans la sexualité des personnages, mais dans la mise en place des êtres qui vont éprouver un rapport hiérarchique et vouloir maintenir le pouvoir sur l’autre. Les rôles sociaux sont distribués au départ entre le dominant et le dominé, mais ne vont cesser de s’inverser. Être ensemble ici signifie : qu’est-ce qu’on fait de l’autre quand il ne reste que cela ? Et comment se fait-il que, toujours, la hiérarchie revienne ? Existe-t-il une relation – dans le travail ou dans l’amour – qui puisse exister sans pouvoir ?

AST : Vous nous livrez une vision très noire des rapports humains, qui semblent essentiellement des rapports de domination et de violence…
P. N. : Sans doute, mais est-ce qu’on n’écrit pas, justement, que pour fouiller les ordures humaines ? On écrit pour interroger les différents endroits de nos misères, qu’elles soient mondaines, intimes, familiales ou professionnelles. Cela m’apaise de tenter d’y voir plus clair dans ces mécanismes dévastateurs et toxiques. L’exercice du pouvoir est fascinant et complexe à observer mais il me semble qu’il est systématiquement générateur de destruction. Les gens qui sauraient exercer le pouvoir sans qu’il soit nocif seraient d’ailleurs incapables d’envisager de l’obtenir. De même qu’il n’existe pas de famille sans violence, sans catastrophe et sans faille, il n’existe pas de pouvoir sans mise à mal. Le monde du travail peut-il échapper à la question du pouvoir ? L’étymologie du mot travail est d’ailleurs très parlante, puisqu’elle fait référence à la torture. Je connais beaucoup de gens qui viennent travailler pour torturer, être torturés, ou les deux à la fois. Une observation des selles de certains singes a révélé leur niveau de stress : on a remarqué que ceux qui se situaient au milieu de la hiérarchie du groupe étaient beaucoup plus nerveux qui ceux qui étaient à sa base ou à son sommet. Certaines personnes refusent tout pouvoir ou toute responsabilité pour rester à un endroit où ils peuvent jouir d’une sorte de paix.

Propos Recueillis Par Olivier Celik, extrait – L’avant-scene théâtre – Juin 2015

Entretien avec Alain Timár

L’avant-scène théâtre : Comment avez-vous découvert le texte de Pierre Notte ?
Alain Timár : Par mail ! Curieux des nouvelles écritures, je lis beaucoup, au risque de me disperser. Malgré l’impossibilité de tout entendre, de tout voir, j’essaie, animé par un instinct de vie, de comprendre notre monde déréglé. Ludovic Michel, directeur du Pôle Diffusion, m’a adressé Pédagogies de l’échec. Connaissant mon travail, il a pensé que cette pièce inédite m’intéresserait.

AST : À quelle nécessité répond-elle pour que vous ayez décidé de la monter ?
A.T. : L’écriture est incroyablement ciselée et la dramaturgie d’une efficacité sans faille, ce qui la rend sans doute difficile à jouer pour les acteurs. Avec une grande acuité, Pierre Notte développe une vision des caractères et du fonctionnement de notre société, à travers le monde du travail.

AST : La pièce combine deux « poncifs» du théâtre : l’enfermement et le couple maître/valet…
A. T. : Le bureau offre d’emblée le fameux huis clos. Et l’espace-temps du monde de l’entreprise crée des conditions particulières, exacerbées, du rapport à l’autre. C’est une espèce de laboratoire pour examiner la condition humaine. Le contexte est simplissime, mais la situation se complique progressivement. La scène se passe dans un immeuble dont il ne reste qu’une seule pièce, au septième étage : le bureau dans lequel sont enfermés deux personnages dénommés le ou la supérieur(e) et l’assistant ou l’assistante. Quatre combinaisons sont ainsi possibles et l’auteur laisse le choix au metteur en scène. On se figure qu’il y a eu une catastrophe sans pouvoir l’identifier. Tremblement de terre ? Guerre ? En tout cas, une destruction s’est produite. Tout, autour, s’est effondré.

AST : On songe au 11 Septembre…
A. T. : On peut penser à New York, mais aussi bien à la Défense, à Monaco ou à Beyrouth ! Ce qui compte, c’est le sentiment de catastrophe qui explique que ces deux êtres se retrouvent isolés dans le petit bureau de l’assistant. Un rapport original s’établit entre eux compte tenu de leurs statuts respectifs. La question fondamentale est : que faire maintenant ? Comment peut-on continuer à… ?

AST : Il y a du Godot dans cette affaire ! On sent que Pierre Notte a lu Beckett et Ionesco… Deux auteurs que vous avez-vous même souvent mis en scène.
A. T. : L’influence est évidente en effet. Encore faut-il ne pas faire, après eux, du sous-Beckett ou du sous-Ionesco. Pierre Notte annexe leurs problématiques à son propre univers. L’histoire de l’art procède souvent par imitation. On observe des citations involontaires des Chaises, par exemple. Au-delà, l’emploi d’un vocabulaire familier, des répliques courtes, des répétitions et surtout une situation inextricable rappellent, il est vrai, l’univers de Ionesco. Quant à la philosophie qui s’en dégage, elle nous rapproche plutôt de Beckett. Mais au-delà de ces échos, Pierre Notte développe un regard singulier des plus personnels.

AST : Kafka n’est pas loin non plus dans cette froide description des rouages absurdes du travail…
A. T. : Sans doute ai-je été sensible à toutes ces combinaisons, moi qui ai monté Le Procès. La pièce m’a séduit tant elle m’est apparue pertinente dans ses sources, dans sa forme et dans son actualité.

AST : Le choix des genres masculin ou féminin pour les personnages est déterminant. Pourquoi avoir préféré une femme pour incarner le supérieur hiérarchique et un homme dans l’emploi subalterne ?
A. T. : Un supérieur et une assistante auraient constitué un rapport trop attendu. Et puis c’est dans l’air du temps : les femmes sont de plus en plus nombreuses à occuper des responsabilités dans l’entreprise. Les postes d’encadrement ne sont plus réservés aux hommes. C’est un progrès égalitaire formidable. Mais on peut aussi relever que certaines femmes de pouvoir n’agissent pas plus vertueusement que certains hommes… La condition humaine est ce qu’elle est ! Le rôle d’un metteur en scène est d’approcher une loupe pour favoriser l’observation.

Entretien par Rodolphe Fouano, extrait L’avant-scène théâtre – juin 2015

Extraits

un grand trou – plus d’eau – plus de toilettes plus de lavabo plus rien – j’ai tenté une sortie de l’autre côté – je me suis dit bon ben je vais prendre l’escalier je vais descendre au sixième à la comptabilité – elles sont toujours très propres les toilettes de la compta mais là pareil plus rien plus d’escalier plus de sortie – il y a des moments je baisserais bien les bras.


La supérieure : je n’ai jamais mis mon stylo dans la bouche en CA.
L'assistant de direction : d’abord ça fait sale – ensuite ça fait un peu – comment dire – dégoûtant vous voyez – d’autant que vous ne suçotez pas avec le dos de la petite cuiller – vous y allez et pas qu’un peu – mais ce n’est pas le plus grave
La supérieure : ah oui ce n’est pas le plus grave ?
L'assistant de direction: ça fait gamine – ça fait enfantin – ça fait retour en enfance – et c’est bien ça qui pourrait poser le plus de problèmes – vous avez l’air de retomber un peu en enfance – une petite gamine tout d’un coup qui mâchouille suçote mâchonne le bout de son crayon – qui s’en fout plein la bouche – qui se tient mal – qui fait des grimaces – alors oui je préfère vous le dire – quand vous êtes en CA devant madame la présidente et tout le conseil – que vous avez les coudes sur la table et le bout du stylo dans la bouche ça n’est pas du meilleur effet
La supérieure : ah
L'assistant de direction : ben oui
La supérieure : bon