
Madeleine, l'amour secret d'Apollinaire (reprise)
Présentation
Madeleine ce qui n’est pas à l’amour est autant de perdu.
« Cote 146 » Lettre de Guillaume à Madeleine du 2 juillet 1915 Apollinaire
d’après les correspondances de Guillaume Apollinaire et Madeleine Pagès (d'avril 1915 à septembre 1916)
1915, Guillaume Apollinaire prend le train en gare de Nice. Il rencontre une jeune femme, Madeleine Pagès. Les deux voyageurs se plaisent, parlent poésie, échangent leurs adresses.
Si la correspondance de Guillaume Apollinaire à Lou est universellement connue, celles de Madeleine et ses récits plus secrets sont d'une sensibilité exceptionnelle. Aux fantasmes flamboyants de Guillaume, Madeleine a apporté une réponse féminine subtile et ardente. Sa personnalité et la finesse de son écriture expliquent aussi son rôle de muse et la richesse de ce dialogue avec le poète. Une relation épistolaire d’une liberté inouïe, fondée sur le mythe du coup de foudre et de l’amour idéal se développe.
La presse en parle
Très joli spectacle. C'est merveilleux. On a son content de théâtre / Le Masque et la plume - France inter
Ce spectacle est un grand moment de vrai et pur théâtre / Le Figaro
Pierre Jacquemont et Alexandrine Serre disent ces textes avec une sensibilité douloureuse et lumineuse. / Télérama
Un spectacle dense et sensible qui grandit en émotion. Et c’est très beau / JDD
Pierre Jacquemont et Alexandrine Serre offrent un moment bouleversant / Le Figaroscope
Distribution
Production Les déchargeurs / Le Pôle diffsuion
Multimédia
Notes & extraits
Extraits Texte
Madeleine. La permission à Oran.
Nous attaquons maintenant le raidillon caillouteux qui conduit en plein cœur de Santa Cruz, avec ses pentes couvertes de pins, de lavande, de palmiers nains et de fleurs. Nous marchons sur des aiguilles de pins qui craquent et embaument, nous entrons jusqu’à la ceinture dans des genêts et des bruyères ; c’est une montée inoubliable, une richesse de paradis perdu. Les petits apprennent à Guillaume à arracher des margaillons : ces cœurs de palmiers nains ont un goût d’artichaut sauvage. Nous cueillons des fleurs sur les pentes de Mers el Kébir où fleurissent tulipes noires, marguerites jaunes et bleuets. Nous nous défions à la course entre les pins ; haletant, joyeux, nous dégringolons les pentes, tandis que le soir descend, que la montagne devient violette comme dans mes lectures classiques. Il était trop tard pour remonter et repartir par le belvédère. Nous descendrons jusqu’à Mers el Kébir où nous prendrons le tram de la Marine. Merveilleuse descente au couchant ; tout est tellement beau que nous devenons graves. Mais quelle extraordinaire vision nous attendait dans la rade ! Dieu voulait-il ainsi fêter nos fiançailles ? La mer roulait sur la grève des vagues phosphorescentes, le port entier était illuminé, c’était une féérie incroyable ; les vagues qui s’élevaient de la masse sombre de la mer étaient ourlées de lumière ; partout des scintillements, des éclairs et des millions de pierres précieuses restaient attachées sur le sable quand la vague se retirait. Un vieux pêcheur content de notre enthousiasme nous prit dans sa barque pour une promenade en mer ; les rames qu’il plongeait dans l’eau en ressortaient lumineuses. Assis l’un près de l’autre au fond de la barque, les mains unies, nous avancions en plein mystère et mon poète penché à mon oreille murmurait ou chantait des vers plus lumineux pour moi et plus troublants que toutes les phosphorescences. Mais il fallait rentrer si nous voulions avoir le dernier tram de Lamur. Des poignées de main et un verre d’anisette au vieux pêcheur qui ne voulait rien accepter pour sa peine, la course vers le tram, le retour avec toute cette magie sur la mer qui nous accompagne encore un bout de temps, puis la nuit et le silence…et enfin les lumières de la ville viennent vers nous.
Mais je ne peux plus raconter parce que le départ approche. La veille au soir, nous avions taillé le sac de couchage qu’il devait emporter. Nous l’avions étalé sur le tapis du salon et lui qui n’avait jamais parlé de l’infanterie m’en avait parlé ce jour là : l’assaut, l’horreur de l’assaut, de la lutte dans la nuit des boyaux. Le bateau partait le lendemain. Je me souviens du premier coup de sirène que nous avons entendu de la voiture qui nous emmenait à la marine. Je me souviens des larmes que nous cachions et du petit signe de la main qu’il me fit en montant la passerelle.
Récit inédit de Madeleine