
Dans la solitude des champs de coton
Bernard-Marie KoltèsPrésentation

La seule frontière qui existe est celle entre l'acheteur et le vendeur
Dans la solitude des champs de coton met en scène un dealer et un client dans une situation de deal. Le dealer sait que le client désire - est dépendant de - quelque chose qu'il (le dealer) peut lui offrir. Il est cependant dépendant lui aussi du désir du client.
Informations sur le lieu
Distribution
Production Théâtre des Halles-Cie Alain Timàr, en accord avec les déchargeurs/Le Pôle diffusion
Multimédia
Notes & extraits
MOT DE L’AUTEUR
Le premier acte de l’hostilité, juste avant le coup, c’est la diplomatie, qui est le commerce du temps. Elle joue l’amour en l’absence de l’amour, le désir par répulsion. Mais c’est comme une forêt en flammes traversée par une rivière : l’eau et le feu se lèchent, mais l’eau est condamnée à noyer le feu, et le feu forcé de volatiliser l’eau. L’échange des mots ne sert qu’à gagner du temps avant l’échange des coups, parce que personne n’aime recevoir de coups et tout le monde aime gagner du temps. Selon la raison, il est des espèces qui ne devraient jamais, dans la solitude, se trouver face à face. Mais notre territoire est trop petit, les hommes trop nombreux, les incompatibilités trop fréquentes, les heures et les lieux obscurs et déserts trop innombrables pour qu’il y ait encore de la place pour la raison.
Prologue
Bernard-Marie Koltès
MOT DU METTEUR EN SCENE
Mettre en scène Dans la solitude des champs de coton c’est mettre en scène l’œuvre maîtresse de Bernard-Marie Koltès, l’œuvre la plus énigmatique de l’auteur. Un long poème du langage et du mystère. Une grande toile abstraite devant laquelle, au sol, se dessine un chemin étroit et blanc. Isolées dans l’espace, accompagnées d’un batteur solitaire rythmant l’action, on entend et on perçoit deux solitudes à la limite de, et marquées comme au fer rouge par une tragique dépendance réciproque: « …le sang nous unira, comme deux indiens, au coin du feu, qui échangent leur sang au milieu des animaux sauvages ». Tels ces animaux qui se jaugent, se flairent et se repèrent, ils avancent, reculent puis s’affrontent sans que ni l’un, ni l’autre ne gagnent ou ne perdent. Car le combat qu’ils mènent est d’une autre nature : ils ne visent pas à abattre l’adversaire. Entre celui qui vend et celui qui achète, entre celui qui propose et celui qui désire, des liens se nouent, indéfectiblement unis dans cet obscur objet du désir.
« …L'espace, est, ici, ce qui sépare les deux personnages, ce n'est pas un point de rencontre possible, c'est un point de discorde probable… »
A travers des soliloques successifs, un rapport singulier s’instaure entre les deux hommes. Mais au-delà d’un dialogue apparent, que veulent-ils, que cherchent-ils vraiment et l’enjeu matériel ne serait-il pas le prétexte à autre chose ? Le support ou le paradigme du commerce constitue une sorte de paravent à une humanité qui ne demande qu’à éclore.
Alain Timár
EXTRAIT
Le Dealer : Si vous marchez dehors, à cette heure et en ce lieu, c'est que vous désirez quelque chose que vous n'avez pas, et cette chose, moi, je peux vous la fournir ; car si je suis, à cette place depuis plus longtemps que vous, et que même cette heure qui est celle des rapports sauvages entre les hommes et les animaux ne m'en chasse pas, c'est que j’ai ce qu'il faut pour satisfaire le désir qui passe devant moi, et c'est comme un poids dont il faut que je me débarrasse sur quiconque, homme ou animal, qui passe devant moi.