Les Déchargeurs
Lecture en cours
FLAMBOYER L’ÉCRIN DE NOS VERS CONTEMPORAINS
Les Déchargeurs
              LE BAR      ABONNEMENT      MON COMPTE

FLAMBOYER L’ÉCRIN DE NOS VERS CONTEMPORAINS

Je venais de commencer la poésie et l’amie, je crois, m’a emmené écouter un duo de poète et poétesse dans la petite salle du bas. À cette époque il y avait une banquette sur le côté je me souviens, j’avais aimé cette intimité, un peu guinguette mais en souterrain.

Je ne connaissais pas ce théâtre, j’y suis revenue peu de temps après, j’y ai découvert un jeune poète et la salle du haut. La lecture était organisée par un grand nom de l’édition que j’avais rencontré quelques semaines avant. Il avait eu la délicatesse de lire mon recueil. Ma tentative de recueil plutôt, mes tous premiers poèmes, assemblés d’ignorance, flamme imprimée, tournant sur elle-même avec sa tige en plastique. Il m’en avait fait retour et m’avait présenté quelques personnes. Je restais discrète, observant, déterminée extérieur et de sel figée dedans.

J’ai poursuivi, créer mon premier spectacle théâtre et poésie, me suis écorchée au festival off d’avignon, ragaillardie avec une pièce pour enfants, ai chaussé les masques, écrémé les micros, pris la direction du Bordel de la poésie, lu, beaucoup, écouté et vu, énormément, transports sans cesse…Mails, mails, mails, temps jeté dans le silence des autres, tentatives, éclaircies, refus, le courant alternatif standard.

Puis un stage caméra, un changement de direction, un appel à spectacle, une rencontre, la fermeture épidémique, l’invitation du bordel de la poésie à la reprise, la saison des nocturnes où avec la joyeuse équipe on paillette tout en catimini, pour flamboyer l’écrin de nos vers contemporains, que ça ricoche oreilles, têtes et coeurs. On espère, on y travaille, on vient aussi s’écouter un lundi par mois.

Ça n’en finit pas de circuler, ça me fait un bien immense de raccorder ces deux planètes, théâtre et poésie, que je ne trouve pas si éloignées mais que si peu de personnes rapprochent. Dans la foulée mon premier livre sort, plein essor, grande bascule. Je ne sais quel chemin…et c’est bien.

Et puis il y a le oui. Les ouis. Deux spectacles, deux créations originales, deux paroles viscérales, où les blessures s’accordent à l’histoire, s’y chamaillent et s’y embrassent.

J’alterne, de chaque côté du plateau, à la lisière des années qui changent. Les pierres ancêtres miroitent sous les lumières ajustées et les enceintes capricent en rappel espiègle: ici le spectacle est bien vivant. D’ailleurs il fait chaud, c’est si agréable de pouvoir ôter toutes les peaux de l’hiver et de se regarder bien en face, la distance impeccable pour les émaux vibrants qui s’échangent.

Ça me reste gravé: les épidermes en vague formant danse sous mes mots, les larmes dans les escaliers, le tapis rouge pour la descente comme la montée, les calculs de places restantes, la peur des chaises vides, la joie de la salle pleine, les rires impromptus sous l’impro et la chaleur de la belle équipe qui accueille chair et amour sincère dans ce qui se construit: collectivement.

Fusion farandole de couleurs et de paroles qui se tapent l’affiche, font le mur sans pudeur et sous lesquelles on trinque et se mélange, la fureur des applaudissements passée. Ça bouge, essaye, taquine, dérape, rassemble…les semaines passent éclair et le tourbillon se nourrit mois sur mois.

Dans une rencontre en librairie, il y a un an, question m’était posée: Vous vivez la bohème ?
Maintenant je peux dire que oui.
Oui pluriels, moi aussi.

Laura Lutard, mars 2023

©Dorothée Sarah

Suivre les actualités de Laura Lutard

Acheter son (sublime) recueil Au bord du bord, paru aux Éditions Bruno DOucey

Vous avez aimé ? Partagez avec nous votre émotion
À voir
0
Bonheur
15
C'est frais!
7
Excitation!
6
Tristesse
0
Votre panier est vide.
0