Le 31 mars 2025 marquera la fin d’une époque pour les clients de Carrefour. Alexandre Bompard, PDG du groupe, a récemment annoncé sur LinkedIn l’arrêt définitif de la distribution des prospectus papier dans les boîtes aux lettres des Français. Cette décision anticipée, initialement prévue pour janvier 2026, s’inscrit dans une transformation majeure de la stratégie commerciale du géant de la distribution.

Le prospectus papier, une tradition commerciale en voie d’extinction

Depuis sa création à Annecy en 1959, Carrefour avait fait du catalogue papier l’un des piliers de sa communication commerciale. Cette pratique, longtemps incontournable dans le paysage de la grande distribution française, touchait chaque semaine des millions de foyers. Mais l’évolution des habitudes de consommation et les préoccupations environnementales ont progressivement remis en question ce modèle traditionnel.

La transformation était déjà bien amorcée depuis plusieurs années. « Depuis 2022, nous avons considérablement réduit le volume des catalogues, passant de 70-80 pages à seulement 12-16 pages », expliquait Frédéric Preslot, directeur marketing opérationnel de Carrefour France. Ce changement s’accompagnait d’un arrêt progressif de la distribution pour environ 400 supermarchés et hypermarchés du groupe.

L’impact environnemental de cette évolution est significatif. Carrefour est passé de 75 000 tonnes de papier utilisées en 2022 à seulement 15 000 tonnes en 2024. Pour les inconditionnels des offres papier, quelques exemplaires resteront disponibles à l’entrée des magasins, mais l’ère de la distribution massive est révolue.

Carrefour n’est pas pionnier dans cette transition. Franprix a abandonné les prospectus dès 2019, suivi par Leclerc en septembre 2023, alors que d’autres enseignes comme Auchan repensent également leur stratégie commerciale. Monoprix, de son côté, a opté pour une approche sélective en conservant uniquement des catalogues saisonniers pour la rentrée scolaire et les fêtes.

Restructuration profonde chez le géant de la distribution

L’abandon du prospectus s’inscrit dans une refonte plus large de la stratégie de Carrefour. Face aux défis économiques, l’enseigne procède à une restructuration significative de son réseau. La décision de placer 24 supermarchés et 15 hypermarchés sous le régime de la location-gérance illustre cette volonté de se séparer des points de vente les moins performants sans recourir à des fermetures définitives.

Cette réorganisation fait écho aux difficultés que rencontrent plusieurs acteurs majeurs du secteur. Guillaume Darrasse, président d’Auchan France, évoquait récemment « la fin du modèle hypermarché », tandis que le groupe nordiste annonçait des suppressions de postes et la fermeture de plusieurs magasins. Même Lidl n’est pas épargné, comme en témoigne le départ de Michel Biero après 25 ans de service.

Les enseignes traditionnelles font face à un changement radical des comportements d’achat. La multiplication des autocollants « Stop Pub » sur les boîtes aux lettres témoigne d’un désintérêt croissant pour cette forme de communication commerciale. De nombreux consommateurs jetaient directement ces catalogues sans même les consulter, remettant en question l’efficacité de ce canal promotionnel.

Vers une distribution numérique des offres commerciales

Si les prospectus papier disparaissent, les promotions et offres spéciales demeurent au cœur de la stratégie commerciale de Carrefour. Le groupe mise désormais sur le digital pour communiquer ses offres, avec des applications mobiles dédiées, des newsletters personnalisées et des campagnes sur les réseaux sociaux.

Cette transition numérique permet une personnalisation accrue des offres et une réactivité plus grande face aux évolutions du marché. Elle répond également aux attentes des consommateurs modernes, plus connectés et sensibles aux enjeux environnementaux que les générations précédentes.

Le 31 mars 2025 marquera donc symboliquement la fin d’une époque pour Carrefour et ses clients. Si certains regretteront le rituel hebdomadaire de la consultation du catalogue papier, cette évolution s’inscrit dans une transformation inévitable du commerce de détail, entre digitalisation, préoccupations environnementales et nouvelles habitudes de consommation.