Adrien Grassard, nouveau propriétaire du Théâtre des Déchargeurs à Paris

Le jeune artiste vient d’acquérir ce théâtre situé au cœur des Halles qui programmera des écritures dramatiques contemporaines, de la musique et de la poésie et dont il souhaite faire un lieu de vie et de partage.n insuffler à l’institution parisienne un vent nouveau, solidaire des jeunes compagnies.
Lorsqu’est survenu le premier confinement, Adrien Grassard venait d’entamer les répétitions de sa troisième pièce. L’auteur et comédien ne se doutait pas alors que la période d’inactivité forcée qui s’ouvrait à lui allait modifier de façon radicale sa trajectoire professionnelle. Tandis qu’il repense à ses expériences passées et aux difficultés rencontrées en tant que jeune porteur de projets, il découvre sur Facebook l’annonce de la mise en vente du Théâtre des Déchargeurs. « Je connaissais un peu ce lieu, dont la ligne artistique me séduisait. Sa configuration et sa situation géographique, au cœur des Halles, m’apparaissaient également intéressantes », se souvient Adrien Grassard. En le visitant quelques mois plus tard, il éprouve un véritable coup de foudre et expose ses intentions à l’équipe qui, conquise, le seconde dans l’élaboration d’un business plan. Malgré la crise sanitaire, la banque lui accorde sa confiance et il rachète finalement le 12 février 2021 le théâtre à Élisabeth Bouchaud, ancienne propriétaire et directrice de La Reine Blanche à Paris.
Depuis, Adrien Grassard continue d’approfondir son projet articulé autour de trois axes – le théâtre, la musique et la poésie – et qu’il veut ouvert à tous les talents, confirmés comme en devenir. Chaque mois, la Salle Vicky Messica (80 places) accueillera ainsi 4 spectacles, dont deux présentés par des émergents et deux autres par des équipes artistiques reconnues. « Le principe, explique-t-il, est de favoriser des croisements et des échanges entre des générations différentes, mais aussi d’inciter le public qui viendra à 19h voir un artiste qu’il connaît à rester afin d’en découvrir un nouveau. » La programmation sera fidèle à celle défendue par le précédent directeur, Ludovic Michel, c’est-à-dire centrée sur les écritures contemporaines et les auteurs vivants. La Salle La Bohème (19 places), quant à elle, présentera 6 à 7 propositions musicales et/ou poétiques par mois. Enfin, le nouveau directeur maintiendra le Festival Court mais pas vite initié voici quelques années par Emmanuelle Jauffret et Rémi Prin (qui demeurent respectivement chargée de la communication et programmateur du théâtre) et dédié aux jeunes auteurs et metteurs en scène. Six équipes préalablement sélectionnées joueront devant le public et un jury composé de professionnels. La lauréate du Prix du public se verra offrir une semaine de résidence et un accompagnement, et celle remportant le Prix du jury bénéficiera également d’un soutien et d’une programmation aux Déchargeurs.
[FIL VIE PRO] Adrien Grassard, nouveau propriétaire du #theatre des Déchargeurs à #Paris, programmera des écritures dramatiques contemporaines, de la musique et de la #poésie pour faire de ce lieu, un espace de vie et de partage ➡️ https://t.co/oCiSd00eXb
— ARTCENA (@artcena_fr) March 23, 2021
En effet, outre permettre aux artistes de se produire dans de bonnes conditions (pas de minimum garanti mais un partage des recettes), le nouveau directeur a décidé d’aménager à leur attention une salle de répétitions ainsi qu’un atelier de costumes et des espaces de stockage de matériel. « La salle de répétitions pourra être utilisée pour des résidences de recherche, des lectures à la table, et le travail de scènes de concours par des étudiants », précise Adrien Grassard, qui aimerait dans les années à venir co-produire certains spectacles. D’ores et déjà, l’équipe du théâtre se met à l’écoute des demandes exprimées par des compagnies émergentes, les aide à élaborer des dossiers et leur prodigue des conseils : des « Cafés projets » ont ainsi été organisés les trois premiers lundis de mars.
Sous l’impulsion de la nouvelle direction, Les Déchargeurs s’offrira aussi comme un lieu de vie, « une agora » où les spectateurs auront la possibilité de parcourir des expositions, visionner des reportages, écouter des conférences, participer à des débats ou simplement prendre un verre. « Il faut rompre avec un théâtre de consommation de spectacles où le public assiste à une représentation puis s’en va. Je souhaite qu’il puisse prendre le temps de se poser et d’échanger avec les artistes », souligne Adrien Grassard.
Pour réaliser son ambitieux programme sans s’exposer à un déficit financier ni mettre en difficulté économique les compagnies, le directeur tablera sur d’autres recettes que la seule billetterie, en particulier celles provenant du bar du théâtre (30% du chiffre d’affaires, escompte-t-il) et de la location en continu de la salle de répétition, de l’atelier et des espaces de stockage. Quand on s’étonne du pari un peu fou qu’il s’est lancé à seulement 24 ans, Adrien Grassard concède « une forme d’inconscience » mais assure, avec le recul, que les circonstances actuelles s’y prêtaient parfaitement. « Cette période est tout indiquée pour réinventer des projets », conclut-il, encouragé également par le très bon accueil et la solidarité que lui ont témoignés les autres directeurs de salles (le Théâtre de Belleville, Le Lavoir moderne parisien, Le Mouffetard…) qu’il a rencontrés.