À propos de TOMBER DANS LES ARBRES

Camille Plocki travaille sur la question de la transmission entre les générations. En tant que chanteuse, la musique occupe une place centrale dans ses réflexions ; elle cherche à définir dans quelle mesure les musiques chantées par nos aînés structurent la mémoire que nous recevons en héritage. Alliant théâtre et musique live, Tomber dans les arbres est un spectacle qui parle de ce mélange de mémoires à partir desquelles on se fabrique une histoire familiale. C’est une réflexion sur la place qu’occupe la musique dans la généalogie d’une famille. En tirant les fils de sa propre vie, l’actrice fait jaillir les ancêtres, rêvés ou réels, qui habitent le corps des vivant.e.s.
Je ne sais pas depuis quand je marche. J’ai suivi le chant et je suis arrivée ici.

Mon grand père était une bibliothèque vivante. Rescapé de la Shoah, journaliste et militant jusqu’à sa dernière heure, il a écrit une cinquantaine de livres traitant du génocide des juifs et des violences policières, publiés sous le nom de sa mère disparue à Auschwitz. A ses petites filles, il a raconté un tas d’anecdotes de manif, de grèves, mais jamais rien qui touchât à son enfance ou ses parents. Parfois une réminiscence lui échappait et il évoquait soudain des odeurs de cuisine ou les paroles d’une chanson yiddish. Suivait un silence pudique quequelqu’un brisait en parlant d’autre chose. J’ai toujours été troublée par ce manque de transmission. J’étais à la fois curieuse et bouleversée par l’absence de mots, je sentais une douleur sourde irradier dans ses combats dont il me semblait qu’ils n’existaient que pour enfouir l’inexprimable. Les informations qu’il semait m’ouvraient un passé dans lequel je fabriquais des aïeux fabuleux. Je me racontais qu’une énergie ancestrale courait d’eux à moi, m’imposant une rigueur dans le souvenir. Je me sentais liée à des gens que je n’avais jamais connus.
Je souhaite parler de ce mélange de mémoires à partir desquelles on se fabrique une histoire familiale. Si mon grand-père ne m’a rien raconté, j’en ai pourtant le souvenir. L’absence de récit ne m’a pas empêchée de créer un univers foisonnant dans lequel fantasme et réalité dansent ensemble. C’est de cette expérience que je souhaite rendre compte sur le plateau. Je cherche à faire jaillir mes ancêtres par l’écho qu’il m’en reste. C’est une démarche imprécise et loin du réel, mais proche d’une réalité personnelle : j’invente avec ce qui me manque. Sur scène, je raconte le chuchotement d’une famille dans le corps de celle qui reste seule avec le bruit des arbres.
– Camille Plocki, autrice et comédienne
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