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L’Analphabète
Agota KristofJe lis. C’est comme une maladie. Je lis tout ce qui me tombe sous la main. Tout ce qui est imprimé. J’ai 4 ans. La guerre vient de commencer.
Présentation
Je lis. C’est comme une maladie. Je lis tout ce qui me tombe sous la main. Tout ce qui est imprimé. J’ai 4 ans. La guerre vient de commencer.
Onze chapitres comme des rites de passage. Brefs et secs comme le destin. Souriants comme la liberté quand elle nargue. De la Hongrie en Suisse, ils vont aussi de l’enfance à l’âge adulte, du cocon familial à l’exil et de la lecture avide à l’apprentissage de la langue. Lire/écrire. L’analphabète est totalement imprégné de cette jubilation-là. Lire/écrire. Un antidote au malheur. Un pied-de nez à la vie même.
Informations sur le lieu
La presse en parle
Très beau texte d'Agota Kristof, Catherine Salviat réussit à avoir ce ton de langue qui est un mélange d'origines salves et suisses qui est très étonnant, c'est très émouvant / Le Masque et la plume. France Inter
Particulièrement touchant et beau. Cette grande interprète nous rend le propos et le style même de l'écriture palpable et bouleversant / Le Figaro
Malicieuse, habitée la comédienne nous fait partager l'épopée d'une vie. La grande classe / Les Echos
Distribution
Coproduction Les Déchargeurs/Le Pôle Diffusion en accord avec la compagnie La Barraca, Le Théâtre Monde
La compagnie est conventionnée par la Drac Ile-de-France, ministère de la Culture et de la Communication
Multimédia
Notes & extraits
NOTE DU METTEUR EN SCÈNE
Onze chapitres donc qui vont de l’enfance à l’âge adulte, de la Hongrie natale en Suisse, d’une langue à une autre et de la lecture à l’écriture. Lire/écrire. Le récit d’Agota Kristof est totalement tourné vers cette lumière-là. À moins que ce ne soit vers cette déchirure-là. Lire/écrire. Avec cette barre au-milieu. Qui associe les deux termes et en même temps les tient à distance. Une barre qui sépare comme le glaive de l’exil, mais aussi barre qui répare, qui permet le passage. Écriture et exil… Au-delà de ces territoires qui me sont familiers, au-delà de cette narration propre à Agota Kristof, sèche et rieuse tout à la fois, il y a le récit. Pour une fois, j’ai eu le désir de m’emparer du récit pur et de le déployer au théâtre.
CatherineSalviat sera en rapport direct avec la salle. Il ne s’agira point d’une introspection, mais d’une narration-confidence aux spectateurs. Elle est Agota Kristof et elle est Catherine Salviat. Elle est Agota Kristof dans la mesure où elle récupère le je de la narration. Mais il n’y aura pas la moindre tentative d’incarner Agota Kristof, ni dans l’accent, ni dans la corpulence, ni dans le costume. D’ailleurs le choix de la comédienne témoigne de la volonté de la démarcation entre l’interprète et le personnage. Face public, Catherine Salviat raconte sans jouer un personnage précis, elle donne sa voix, son corps aux mots d’Agota Kristof, faisant résonner leur musique (on pense à Duras parfois), leur silence, leur humour ou leur plein sens.
Je la vois devant un grand cahier, un cahier plus grand qu’elle, une sorte de double paravent pivotant sur axe, sur lequel se tapent les titres des chapitres, sur lequel se projettent quelques images, toutes se rapportant à l’univers de l’écriture, de l’édition, du livre. Catherine est devant ou derrière ce paravent qui est en plexiglas. On la voit en transparence parfois. A la fin de chaque chapitre, elle le fait pivoter, comme on tourne les pages d’un livre. L’espace change, s’en trouve modifié, il est boîte qui emprisonne, il est frontière qu’on traverse de nuit, il est couloir, il est vitrine de librairie, il est livre à la fin : « le grand cahier » dans lequel entre Catherine Salviat et disparaît.
Pour accompagner ce parcours, j’entends une musique, une seule qui se répète entre les chapitres, qui intervient parfois dans le récit, à la fois douce et menaçante, mélancolique et obsédante, promesse et danger : le Prélude en C minor Bwv 999 de Bach, dans l’interprétation à la guitare de Julian Bream.
Nabil El Azan
EXTRAIT
Je lis. C’est comme une maladie. Je lis tout ce qui me tombe sous la main, sous les yeux : journaux, livres d’école, affiches, bouts de papier trouvés dans la rue, recettes de cuisine, livres d’enfant. Tout ce qui est imprimé. J’ai quatre ans. La guerre vient de commencer. Nous habitons à cette époque un petit village qui n’a pas de gare, ni l’électricité, ni l’eau courante, ni le téléphone. Mon père est le seul instituteur du village. Il enseigne à tous les degrés, du premier au sixième. Dans la même salle. L’école n’est séparée de notre maison que par la cour de récréation, et ses fenêtres donnent sur le jardin potager de ma mère. Quand je grimpe à la dernière fenêtre de la grande salle, je vois toute la classe, avec mon père devant, debout, écrivant au tableau noir. La salle de mon père sent la craie, l’encre, le papier, le calme, le silence, la neige, même en été. La grande cuisine de ma mère sent la bête tuée, la viande bouillie, le lait, la confiture, le pain, le linge mouillé, le pipi du bébé, l’agitation, le bruit, la chaleur de l’été, même en hiver.